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L’islam en Europe

L’islam est beaucoup plus présent que jamais en Europe, en Europe occidental en particulier, avec les musulmans composants en moyenne 2-6% de la population des divers pays européens occidentaux. Il se montre à partir de ses apparences, des personnes portant soit le voile ou la barbe, et dans l’espace public avec des mosquées. Il y a des débats permanents sur la façon dont cette religion doit où peut-être ne devrait pas s’intégrer dans l’Europe occidentale et dans les sociétés européennes en général.

La confrontation

Les musulmans en Europe sont confrontés avec une hostilité croissante qui s’exprime dans ce qui est fréquemment libellé le Discours de l’Islamisation, l’affirmation selon laquelle l’islam vise à la conquête du monde occidental et d’imposer à la fois son message et la charia, un discours qui semble plus fermement enraciné ces jours.

L’essentiel du discours de l’islamisation

Dans ce qui suit j’explique l’essentiel du discours mentionné, suivi par un aperçu des réactions des musulmans en Europe à ce discours là.

L’islam : une idéologie dangereuse

Ce discours de l’islamisation est exprimé dans les Pays-Bas en particulier par le Parti pour la Liberté et par son leader Geert Wilders qui a publié en 2012 un livre intitulé Marked for Death. Islam’s War against the West and Me.

Je vous propose quelques citations du livre du leader du Partie pour la Liberté, d’abord comme le parti décrit la religion de l’islam:

Citation 1: «L’islam est une de ces empires du mal et elle s’effondrera lorsque les gens commencent à dire la vérité» (p. 209).

Citation 2: «L’islam n’est pas seulement une religion … mais surtout une idéologie politique sous le couvert d’une religion» (p. 25).

Citation 3: «.. L’idéologie politique de l’islam n’est pas modérée – c’est une secte totalitaire avec une vocation mondiale» (p. 26).

L’islam n’est donc pas une religion mais une idéologie qui aspire à dominer le monde, y compris, ca va de soi, l’Europe. En opposition avec cette religion dangereuse M. Wilders décrit le monde occidental tout à fait différemment:

Citation 4: «Quand vous comparez l’Occident à toute autre culture qui existe aujourd’hui, il devient clair que nous sommes la culture la plus pluraliste, humaine, démocratique et charitable sur la terre» (p. 31).

La solution

Et après avoir décrit minutieusement comment l’islam et les musulmans forment un risque pour la paix du monde, M. Wilders présente la solution pour traiter tel religion, exprimée dans les citations suivantes:

Citation 5: «Les musulmans doivent vaincre l’islam» (p. 212).

Citation 6: «S’ils (les musulmans) pouvaient se libérer du joug de l’islam, s’ils veulent arrêter de prendre Mahomet comme un modèle à suivre, et s’ils se sont débarrassés du Coran odieux, ils seraient capables de réaliser des choses étonnantes» (p. 212)

Citation 7: «Si seulement ils pouvaient se libérer de l’islam, eux aussi, pourraient devenir des nations prospères et libres» (p. 65).

Si j’étais musulman et à la recherche de ma pleine intégration dans l’Occident, en Europe, aux Pays-Bas, je serais tout à fait découragé. Je suis « invité » à renoncer à mon identité islamique, si maigre elle puisse être, et je dois faire face à la disparition de l’Islam de l’espace public et privé. M. Wilders accuse les musulmans de vouloir islamiser le monde, mais il fait la même chose en obligeant les musulmans à s’occidentaliser pleinement. Mohammed et Fatima doivent être remplacé par John et Mary, ou bien en par Jean et Marie, non seulement de nom, mais aussi dans leur intérieur.

Plusieurs réactions

Les musulmans sont donc confrontés en Europe occidental avec des faits divers. D’abord ils sont minoritaires et le resteront. Il n’est pas imaginable qu’ils seront jamais) majoritaires. C’est donc un constat qu’ils doivent accepter. De plus, ils sont confrontés avec un courant politique qui est carrément contre leur religion et qui cherche à leur combattre dans le champ politique et social. Les media, les journaux, la presse, internet, sont pleins de voix contre l’islam et les musulmans. Comment, donc, peuvent-ils réagir et comment réagissent-ils jusqu’à maintenant ?

L’islam comme minorité dans le fiqh traditionnel

La question de l’islam étant une minorité n’est pas nouvelle. Dans le passé de l’islam et dans son histoire on a vu pas mal de cas des musulmans vivant sous une autorité non musulmane. Dans le courant stricte de l’orthodoxie, représenté ces jours surtout par les courants salafis, le motto ou slogan est de ne pas mêler le plus possible avec la société d’accueil et donc ne pas mêler avec les voisins, sont-ils chrétiens ou juifs. Ces musulmans vivent en Europe comme s’ils n’étaient pas conscients de leur environnement. Ils regardent les chaines arabes ou islamiques, vont aux mosquées et essaient de vivre séparément de la société. Tout cela est encouragé par des imams locaux, qui, comme exprimé dans la citation suivante de l’imam Jneid, ancien imam de la mosquée Al Sunna à la Haye, y ajoutent un voix absolument hostile :

Citation 8 : L’imam a dit que l’ancien membre du parlement néerlandais Mrs. Hirsi Ali, critique connue de l’islam, «serait emportée par le vent de l’évolution des temps» et que «la malédiction d’Allah lui frappera ». Il a souhaité Theo van Gogh et Geert Wilders toutes sortes de «maladies incurables», y compris le cancer de la langue et du cerveau.

Un courant un peu plus modeste est celle inspirée par  le Conseil Européen de la Fatwa et de la Recherche (CEFR), dirigé par l’imam Youssef el Qaradawi. On pourrait identifier ce conseil et son chef comme appartenant au courant de la wasatiyya (le centre) qui cherche des compromis pour, disons, soulager un peu la vie des musulmans dans des pays non musulmans sous le concept islamique de « taysir ». Pour eux, saluer les voisins est permis, mais leur souhaiter des bonnes fêtes, par exemple dans le cas de Noel, est découragé. L’imam maroco néerlandais Yassine el Fourkani va bien dans le courant wasati. Il est dit qu’il soit payé par le gouvernement Koweitien.

Quand même, les courants salafis et wasati ont en commun la contextualisation triomphaliste de la présence musulmane en Occident. Les deux ne sont pas vraiment intéressés à établir des liens avec la société d’accueil. Leur agenda est une de la « da‘wa » : convaincre la société d’accueil de la suprématie de leur religion et avec cette agenda ils renforcent, sans le vouloir, le discours de l’islamisation comme exprimé, entre autres par le Parti de la Liberté néerlandais.

D’autres voix individuelles

Il y a d’autres voix islamiques qui s’expriment sur la question de l’intégration des musulmans en Europe. Je traite, tout bref pour besoin de la cause, les quatre suivants : Tariq Ramadan ; Bassam Tibi, ; Tareq Oubrou et Abdennour Bidar.

Tariq Ramadan

Des quatre penseurs mentionnés Ramadan reste le plus proche à l’orthodoxie traditionnelle. Quand même, et contrairement aux courants salafi et wasat, il essaye à créer un islam européen, ou même un islam globalisé. Il parle du monde comme un dar al-shahada, maison de témoignage. Il est pour cela contre l’idée que les musulmans soient une minorité et avec cela il rejette en fait le concept traditionnel, défendu par les courants salafi et wasati, de l’islam comme minorité. Par ailleurs, il accepte plus ou moins l’idée de la laïcité française : chacun sa conviction, chacun sa religion. Cela ouvre, selon lui, les portes aux musulmans de vivre leur vie comme des musulmans. En conséquent, il rejette avec cela, consciemment ou pas, l’idée salafi et wasati de la dawa. Il vise à réaliser une identité musulmane européenne, ou bien française, néerlandaise etc. et dans ce sens il a vraiment pris un autre chemin des courants salafi et wasati.  Toutefois, Ramadan est reproché de mener un agenda double (double discourse/ double speak, selon Caroline Fourest). Ne vise-t-il en réalité un agenda de dawa proche de celle de l’islam salafi ou wasati ?

Bassam Tibi

Pour Tibi l’essentiel de l’islam est que c’est une religion ouverte, loin d’être une idéologie politique. Il interprète le verset du Koran al Baqarah 2 : 256 : « Nulle contrainte en religion! » comme essentiel. L’islam vise la paix mondiale. Il est pour cela également, avec Ramadan, contre l’idée que les musulmans forment une minorité en Europe et il oppose également une politique de minorité vis-à-vis les musulmans. Il dit que l’octroi de privilèges multiculturels aux musulmans en Europe pourrait être une arme à double tranchant. Mais Tibi va plus loin que Ramadan. Il est contre l’ idée que l’Europe serait une « dar al shahada ». Tout cela pourrait renforcer les forces anti islamiques, un scenario possible mais clairement inacceptable pour lui. Mais quelle position préfère  Tibi pour l’islam en Europe? Il parle d’un « esprit de corps » ou en arabe d’une « asabiyya ». L’Europe a besoin d’une combinaison de la conscience de soi (asabiyya) et de la tolérance pour se réconcilier avec la civilisation islamique. Bassam va bien dans la modernité européenne et occidentale. L’islam européen reste l’islam en soi mais adapté à la culture civile de la modernité.

Tareq Oubrou

Les idées de Tareq Oubrou, et ca va pour Abdennour Bidar encore plus, sont plus éloignées que jamais de l’orthodoxie, hétérogène comme elle puisse être, islamique. Il parle d’une « sécularisation théologique de l’islam » comme condition à fin d’atteindre « un mariage entre l’islam et l’occident sans divorce ». Il se rend compte qu’un tel trajet demande d’efforts et de temps. Et sans doute ses idées se sont développées parce qu’il a observé que « si les Musulmans vivent en paix dans l’Occident, c’est grâce  à la laïcité et la sécularisation ». Ce qui Oubrou vise est un islam tout à fait à l’européenne comme les églises chrétiennes européennes, catholiques et protestantes. Il est progressive dans son approche de la sécularisation, il tente de faire la loi religieuse et loi civile apparaissent comme un seul, ou au moins très proche, qu’il essaie de faire à travers son concept de «charia de la minorité» et l’utilisation de “fatwas” …

Abdennour Bidar

Abdennour Bidar est un exemple dont l’orthodoxie islamique devrait être fière. Il parle dans ses travaux d’un « Self Islam ». Il a découvert ou redécouvert pendant sa jeunesse, tout seul, et même si sa mère s’était convertie à l’islam, l’islam, uniquement par réfléchir sur le monde et sur la création. Son islam a pris une forme théosophique et même si Abdennour Bidar maintient accepter le Koran et Hadith comme ils le sont, il va très loin dans ces idées. Il lie la modernité à l’islam ; il considère la création entière comme sacrée. L’homme lui même est sacré, il n’y pas d’hommes non sacrées, musulmans et non musulmans et il maintient même que le jour de jugement se passe dans l’ici et le maintenant. Avec toutes ces idées et considérations Bidar est très loin de l’islam quotidien, sans parler de l’islam orthodoxe ! Mais il va très bien dans les traditions anthropomorphiques, théosophiques et postmodernes européens. Il est très influencé par le soufisme islamique, Ibn Arabi, et le moderniste Pakistanien Mohamed Iqbal, entre autres, y compris le christianisme par exemple. Quant à la postmodernité, il accepte son pluralisme, mais n’aime pas ses autres aspects de l’athéisme où le matérialisme qui ne donne aucun sens à la vie. La spiritualité est très importante pour lui …

Conclusion

Si nous rentrons au début de cet exposé, aux citations anti islamiques, lequel des voix musulmanes en Europe présentés ici serait le mieux à opposer ce discours anti islamique ? La question est facilement posée, mais  difficile à répondre.

En tout cas, je constate que les musulmans en Europe sont de plus en plus situés dans une position minoritaire, ce que nous voyons également chez les minorités non islamiques ou ethniques dans les pays où l’islam politique prévaut.

Protéger les minorités comme « dhimmis » n’est plus une solution qui va bien avec notre temps, ou c’est au moins perçue comme démodée. En outre, le statut de dhimmi est intrinsèquement discriminatoire. Mais au sein de l’islam politique, il se déroule aussi un débat sur le statut des minorités et sur la politique appropriée à suivre. Il y en a un mouvement qui cherche la modernité, la vraie égalité, mais ce mouvement n’est pas encore puissant.

En même temps, l’Islam en Europe se trouve de plus en plus sous pression et sous des critiques sévères. Il est bien possible que, désespérées comment ils le sont,  pour cela, les musulmans en Europe recousissent à la wasati-Islam ou même à l’islam des salafistes. Si cela se produit, les contradictions deviennent plus grandes et il y a plus de chances de conflits, mêmes physiques.

Les voix modérées, voire presque européennes, comme celles de Ramadan, Tibi, Oubrou et Bidar, semblent attrayantes pour intégrer l’islam en Europe. Mais le cas étant qu’il y a un courant très fort en Europe qui considère chaque Islam, donc également l’islam à la Ramadan, Tibi et même Oubrou et Bidar, un Islam dangereux, ces penseurs risquent le danger d’être complètement marginalisés: par l’Europe et par les communautés musulmanes en Europe. (Note that the four scholars differ in methodology. Tibi, of the four, isnt liked by Muslims because he suspects even moderates like Ramadan who has a larger popularity; Ramadan also considers Tibi to be proposing a “light, very liberal Islam”; for some he is more European than Europeans, an orientalist in its pejorative sense. MH)

Les gouvernements des pays où règne l’islam politique pourraient également opter pour priver leurs minorités de leurs droits. Mais ils peuvent aussi considérer ce qui se passe à leurs frères et sœurs en Europe où le conflit devient de plus en plus grave. Est-ce que l’islam politique devient en conséquent également  de plus en plus fanatique? Ou opte-t-elle pour le chemin du compromis et de l’adaptation ?

Ma solution est bien sûr une autre. Les pays où domine l’islam politique poursuivaient mieux une politique d’intégration et de réconciliation. En conséquent, ils donnent aux pays européens un bon exemple: « traitez vos minorités, n/vos frères et sœurs musulmans, avec sagesse et comme des égaux, comme nous le faisons avec nos minorités ».

Si cela se passe, il montrera que les pensées de Ramadan, Tibi, Oubrou et Bidar et même celles du wasati-Islam peuvent produire encore beaucoup de bonnes initiatives   et idées à la fois  en Europe et dans le monde islamique pour l’intégration des minorités en général.

Si cela n’aura pas lieu et les deux parties continuent à réagir et agir avec leur fanatisme, des conflits nouveaux et mêmes violents menacent l’équilibre social déjà fragile en Europe et surtout dans le monde islamique.






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